Carte blanche. Depuis octobre, la physique a trois prix Nobel de plus. Cette année le thème récompensé a été sans doute moins commenté que le fait qu’une femme fasse partie des récipiendaires. Car, depuis sa création en 1901, on ne compte que trois femmes (donc 1,5 %) parmi les 209 Prix Nobel de physique : Marie Curie (1903), Maria Goeppert Mayer (1963) et Donna Strickland (2018).
Ce chiffre est le point culminant d’un phénomène social dont les causes sont actuellement âprement débattues : à mesure que l’on monte l’échelle du prestige et du pouvoir dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, la proportion de femmes diminue drastiquement. Ce « plafond de verre » dans la physique part d’un important déséquilibre originel : seules 30 % des étudiants sont des étudiantes ! Plus loin dans les carrières académiques des physiciennes, leur proportion tombe même à 20 %…
Des efforts héroïques ont été entrepris à tous les niveaux (auprès du public, dans les écoles, dans les laboratoires, etc.) depuis une vingtaine d’années pour tenter d’inverser cette tendances. Mais les progrès ne sont que marginaux, peu en rapport avec les efforts entrepris.
Moindre intérêt des femmes pour la physique ?
Cela mériterait un pas de côté pour considérer un certain nombre de questions que soulève ce constat : l’appropriation de postes d’un champ scientifique jusque-là incarné par des hommes serait-elle beaucoup plus lente qu’espéré ? Les efforts ont-ils été investis dans la bonne direction ? Ou, comme évoqué par certains d’une manière plus provocatrice, n’y aurait-il pas, après tout, une sexuation de la curiosité intellectuelle conduisant en moyenne à un moindre intérêt des femmes pour la physique ?
Le problème est que nous semblons incapables de garder la tête froide quand il s’agit de réfléchir à ces questions. L’examen critique des données et leur interprétation sont désormais voués à des affrontements violents, où un débat contradictoire est de plus en plus difficile. L’exemple récent du physicien des particules Alessandro Strumia est un exemple parmi d’autres du caractère hautement inflammable du débat. Il a été banni du CERN pour avoir donné un séminaire où il entendait montrer au moyen d’analyses statistiques que les politiques de discrimination positive envers les femmes en science constituent en réalité une discrimination de fait des collègues masculins.
Certaines de ses thèses sont discutables en bien des points, mais, au lieu d’en profiter justement pour ouvrir le débat et en contrer les arguments sur le terrain d’une discussion contradictoire, le CERN publie des excuses, et des pétitions soulignant l’« amoralité » du propos sont signées par des physiciennes et physiciens éminents. De telles réactions ne devraient-elles pas nous faire réfléchir ? Après vingt ans de réels efforts pour ouvrir la communauté plus largement aux femmes, ce sujet a-t-il rejoint la liste des sujets sur lesquels toute tentative de discussion rationnelle est condamnée à l’asphyxie par le politiquement correct ?
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